SAMAYA x JOSEPH GANDRIEAU
« LES 3 ÎLES » : DE LA PERFORMANCE À LA CONTEMPLATION
Joseph Gandrieau est un aventurier passionné par les grands espaces et les défis qu'ils imposent. Après avoir parcouru à vélo, à ski et à pied les Féroé et l'Islande, il s'apprête à entamer la troisième partie de son projet « Les 3 Îles » : le Groenland. Si ses premières étapes étaient marquées par la performance et la résilience, cette dernière phase promet d’être différente. Désormais, Joseph aspire à une aventure moins axée sur les kilomètres parcourus et plus centrée sur la contemplation des paysages, la connexion avec la nature, et le plaisir de vivre chaque instant pleinement.
Tout a commencé avec une traversée en bateau de 20 jours depuis le Canada jusqu’à l’Islande. J’étais avec ma copine et un capitaine qui cherchait des équipiers. On devait rejoindre directement la côte ouest du Groenland, mais on a vite compris que c’était impossible à cause des glaces et des tempêtes. On a été forcés de naviguer plus au sud, vers l’Islande. C’était un premier contretemps, mais étrangement, ça ne m’a pas frustré. J’ai commencé à réaliser que, peu importe la destination, l’important, c’était d’avancer, de vivre le moment.
Une fois arrivé en Islande, j’ai pris un petit avion pour rejoindre Nuuk, la capitale du Groenland. C’est là que j’ai vraiment senti un basculement en moi. Mon objectif initial était de marcher autant que possible, de couvrir un maximum de terrain, mais en voyant la grandeur et l’immensité du Groenland, j’ai commencé à remettre tout ça en question. L’idée de performance perdait peu à peu de son sens. J’ai commencé à me dire que ce voyage n’était pas qu’une question de kilomètres, mais une occasion de savourer chaque instant, de me reconnecter à la nature.
Puis, je me suis retrouvé face à deux cols enneigés que je n’ai pas pu franchir. J’ai essayé plusieurs fois, mais les conditions étaient trop dangereuses. Dans le passé, j’aurais sûrement été frustré par cet échec, mais à ce moment-là, j’ai compris que c’était juste une autre leçon. La nature avait ses propres règles, et je devais les respecter. Au lieu de forcer, j’ai accepté l’idée que parfois, on doit s’adapter.
C’est là qu’un bateau de chercheurs est apparu. Un véritable coup de chance ! Ils m’ont proposé de me faire contourner les cols par la mer. J’ai saisi l’opportunité, et encore une fois, j’ai senti que le voyage n’était plus qu’une question de plan, mais d’ouverture à ce qui venait à moi.
J’ai fini par arriver au village de Kapissillit, un endroit isolé où j’ai été accueilli par des habitants incroyablement généreux. J’ai passé trois jours chez eux, et pendant ce temps, j’ai discuté avec eux de mon projet. Ils m’ont conseillé de changer mon itinéraire, de ne pas remonter vers le nord comme prévu, mais plutôt de descendre vers le sud et de suivre une rivière jusqu’au glacier. Ils m’ont convaincu que c’était là que je verrais les paysages les plus variés. J’ai suivi leur conseil, et je ne l’ai pas regretté.
Je suis donc reparti vers le sud pour une nouvelle marche d’une quinzaine de jours. Les paysages étaient à couper le souffle. Des vallées immenses, des glaciers, des lacs où je pouvais naviguer avec le kayak que je portais sur mon dos. C’était une sensation incroyable de vivre en totale autonomie, de pêcher dans les fjords et de me nourrir du poisson que j’attrapais. J’ai vraiment appris à apprécier chaque moment, à ralentir, à me laisser guider par la nature plutôt que par un itinéraire strict.
Mais même là, la nature m’a rappelé qu’elle était maîtresse des lieux. La rivière que je comptais descendre en kayak était presque à sec. Plutôt que de me décourager, j’ai décidé de me laisser porter par ce que je ressentais. J’ai improvisé, suivi les rivières, exploré les alentours, sans me soucier de la distance ou de la destination exacte. Chaque jour, je traçais un nouveau chemin, et c’est ce qui rendait cette aventure si spéciale. J’étais totalement libre.
Finalement, je suis retourné à Kapissillit, où j’ai retrouvé les habitants avec qui j’avais noué des liens. De là, j’ai pris un bateau pour Nuuk, marquant ainsi la fin de mon voyage. Ce qui est fou, c’est que pour la première fois, je n’ai pas ressenti cette sensation de regret à la fin d’une aventure. J’étais en paix. J’avais vécu exactement ce que je devais vivre.
De retour en Europe, j’ai réalisé à quel point ce voyage m’avait transformé. Le Groenland m’a appris l’humilité, m’a montré que la performance n’était pas la finalité. Ce n’était pas les kilomètres parcourus qui comptaient, mais les moments vécus, les rencontres, et cette connexion profonde avec la nature. Ce voyage a changé ma façon de voir les choses, et je sais qu’il marquera toutes mes futures aventures.