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SAMAYA x PAULO GROBEL

EXPÉDITION HIMALAYENNE AU PRISME DE LA SAGESSE

 

 
Paulo Grobel et ses compagnons de cordée sont retournés en Himalaya à l’automne 2023, avec pour objectif principal le Tukuche Peak. Face aux conditions météorologiques se dégradant de plus en plus, le groupe doit faire un choix : tenter coûte que coûte ce sommet ou se retirer ?
 
« Au Dhampus Pass au Népal, le panorama se dévoile enfin, à 5244 mètres. A droite, le Tukuche Peak et les arêtes effilées du Sita Chuchura. Vers le Nord, la grande plaine minérale de la Hidden Valley s’écoule vers des gorges que l’on devine très encaissées. Au centre, un ensemble de sommets s’étire en une longue arête recouverte de neige. Aucun nom sur la carte et pourtant, très loin, une pyramide neigeuse attire le regard. C’est un triangle parfait qui d’emblée rappelle la lame triangulaire d’un Phurba, la dague rituelle des pratiques ésotériques du bouddhisme Ningmapa. Nous l’appellerons donc le Phurba Kang !
 
L’objectif de notre voyage est le Tukuche Peak, un sommet très esthétique de presque 7000 mètres, au pied du Dhaulagiri. Son ascension, bien que classique, n’attire pas les foules. Il lui manque juste quelques mètres pour séduire les alpinistes, qui se concentrent sur l’Himlung Himal, dans le massif voisin.
 
Le camp de base, isolé dans la Hidden Valley, nécessite déjà un certain engagement. Depuis Marpha, il faut traverser le col Dhampus Pass à plus de 5000 mètres et y séjourner le temps nécessaire à l’acclimatation. A notre arrivée, il se met à neiger pendant deux jours, fermant le col définitivement. La Hidden Valley a changé de saison, nous voici en hiver avec plus de 50 centimètres de neige. Au loin, nous apercevons un petit groupe de trekkeurs sur le tour du Dhaulagiri se faire évacuer en hélicoptère.
 
Nous voici seuls sur la montagne.

 

 
Notre objectif est d’installer un dernier camp d’altitude très haut, à un col entre les deux sommets du Tukuche pour réaliser l’ascension du vrai sommet, sans corde fixe et en petites cordées de deux. Nos tentes Samaya ultra légères sont justement prévues pour dormir si haut.
 
Comme souvent en Himalaya, la météo nous joue des tours. Au camp 1, à 5500 mètres, le vent s’est invité dans notre quotidien. Il occupe tout l’espace. Le bruit est assourdissant et notre petite Samaya est secouée dans tous les sens. C’est à la fois terriblement impressionnant et quand même inquiétant. La nuit sera rude. Notre Samaya2.5 a bien résisté mais notre détermination est en lambeau. Surtout, les températures annoncées pour les prochains jours sont bien trop négatives pour envisager de continuer notre ascension. Impossible de progresser vers le haut sans s’exposer à de graves gelures.
 
« Le vent se lève… Il faut tenter de vivre », nous murmure Paul Valéry.
 
Une prise de décision s’impose : se transformer en guerriers et seule une infime partie du groupe arrivera peut-être au sommet ou changer radicalement de projet pour une alternative à moindre altitude et dans un versant plus accueillant.
 
Regroupés dans la Samaya Basecamp, ballotée par le vent, il nous faut reconstruire une nouvelle aventure. Face à nous, une petite chaîne de sommets à plus de 6000 mètres nous tend les bras. Le jeu est différent mais tout aussi engagé et l’équipe népalaise va nous accompagner le mieux possible. Traverser des sommets n’est pas une pratique courante en Himalaya, encore moins sur des sommets inconnus. Nous voici dans un alpinisme exploratoire, à deux pas de prestigieux sommets.
 
 
Nous établissons un premier camp pour s’approcher de la montagne puis un deuxième camp directement sur l’arête du Sanu Phurba à 6339 mètres, après avoir traversé trois sommets. Au petit matin, comment ne pas être un peu inquiet sur le déroulement de l’ascension ? Les pentes de neige sont raides, très exposées et nous sommes si loin de tout.
 
Dans ma tête, les questions se bousculent… L’aisance en neige du groupe est-elle suffisante ? Pourrons-nous faire une trace confortable et sûre ?
 
Ce parcours de l’arête Sud du Phurba Kang s’est révélé être une pure merveille d’alpinisme, qui mérite à elle seule le déplacement.
 
Nous sommes retournés au camp 2 avec précaution, pour un bon après-midi de repos.
 
Place maintenant à la deuxième partie du projet où nous serons 4 alpinistes formant deux cordées. Nous transportons notre Samaya4.0 et un équipement minime.

 

  
Un quart d’heure seulement après le départ, je tombe dans une crevasse dans un endroit plat, une simple fente d’un mètre de large dissimulée sous la neige. J’en suis ressorti avec une forte contusion à la poitrine et des difficultés pour respirer. Les conditions de neige et la pente à 30° rendent la progression plus complexe et engagée que prévu ! À cause du vent, la pente d’accès au cirque glaciaire sous le Phurba Kang présente des accumulations localisées qu’il nous faut contourner. Une fois sur le glacier, les crevasses sont bien visibles.
 
La tension est palpable.
 
Une dernière rimaye se passe plus simplement et nous voici enfin au premier sommet, le Chenrezig, à 6292 m. La suite de notre progression se simplifie, avec « juste » de grands dômes neigeux à traverser.
 
Nous n’avons pas le temps de flâner à la cime, la traversée est encore longue et le vent est de nouveau bien présent. A 16 heures, nous nous retrouvons sur un grand col entre le Manjushri et la Cima Giannetti. L’endroit est plat et notre fatigue bien réelle : nous y installons notre camp 3, avant de se lancer dans la traversée de la Cima Gianetti.
 
Ce dernier sommet ne sera pas une simple formalité. Il nous faut rester attentif pour éviter les crevasses sur le glacier sommital.
 
Une fois redescendus de ce sommet, nous nous retrouvons euphoriques de ces aventures respectives. Il nous reste le Dhampus Pass à traverser. La dernière porte de la Hidden Valley va bientôt se refermer, les nuages se bousculent déjà au col.
 
Avec ma femme Isa, dans notre palace Samaya4.0, il nous faut décider de la suite de notre aventure pour la dernière semaine qu’il nous reste.

 

  
« Il n’y a pas d’alpinisme sans récit », nous rappelle François Damilano, j’ajouterais qu’il n’y a pas de voyage sans carte et qu’il est nécessaire de nommer les sommets pour pouvoir en parler.
 
Notre envie d’effectuer le tour du Dhaulagiri se précise, afin de le documenter et de rectifier la carte d’Himalayan Map House, seule entité d’édition de cartes enregistrée au Népal.
 
Depuis la nuit des temps, Homo Sapiens a griffonné des représentations d’un monde à découvrir. Aujourd’hui encore, cette aventure exploratoire est possible. Il y a les réalisations incroyables par leur esthétisme et leur engagement de haut niveau, mais aussi tous les petits sommets cachés dans les interstices des massifs himalayens. Traverser des sommets, inventer des itinérances, s’immerger le plus longtemps possible en altitude, se perdre dans des vallées inconnues… Le jeu de l’alpinisme exploratoire est incroyablement vaste. J’espère que, bientôt, une nouvelle carte sera disponible pour inspirer d’autres voyages en altitude. »

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